Cinq ans après sa première publication, le roman ‘Cometierra’, »Mangeterre » en français, de l’écrivaine Dolores Reyes fait partie des livres les plus vendus en Argentine. La tentative de censure dont ce livre a fait l’objet, l’a en réalité popularisé au sein du grand public.
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Le dernier roman Cometierra, de l’écrivaine Dolores Reyes, a fait l’objet d’une tentative de censure en Argentine, mi-novembre. Comme le raconte le site Courrier International (article payant), plusieurs organisations conservatrices liées à l’extrême droite ont lancé une grande campagne pour faire retirer une centaine d’œuvres littéraires des lycées publics de la province de Buenos Aires. Parmi ces œuvres figure donc le roman Cometierra, « Mangeterre » en français, publié en 2019. Un roman dans lequel l’écrivaine aborde le fléau des féminicides en Argentine à travers l’histoire d’une sorte de voyante. Une jeune femme capable d’entrevoir les derniers instants des personnes décédées en avalant la terre qu’elles ont foulée. Un roman qui a non seulement été la cible de l’extrême droite, mais aussi de la vice-présidente argentine, qui est allée jusqu’à parler de « dégradation et d’immoralité », pointant du doigt deux passages du roman à caractère sexuel.
Pourtant Mangeterre n’est pas du tout un roman érotique. C’est un livre qui parle de féminicides, de violence, du corps des femmes maltraité, et de l’État qui ne fait rien pour que ça change. Un roman pour lequel Dolores Reyes a même été récompensée par un prestigieux prix littéraire panaméricain. Ce qui ne l’a pas empêchée de subir deux semaines d’insultes et de menaces sur les réseaux sociaux. « C’est comme ça que les meutes numériques et les violents imposent leurs réels bayons. Le silence est l’un des meilleurs alliés des violents, et la censure la manière d’imposer ce silence ».
En réponse à cette tentative de censure, la communauté littéraire s’est mobilisée et des dizaines d’autrices et d’auteurs se sont réunis dans un théâtre de Buenos Aires pour une lecture collective de Mangeterre. Un « acte de résistance », selon un quotidien d’opposition argentin, « une réponse collective à la violence de ceux qui ne lisent pas, coupent les textes, essaient de semer la peur chez les parents. Ceux qui cherchent le scandale facile, la réaction épidermique, l’effacement express et qui voit de la pornographie là où il y a de la littérature ». Mais au lieu de l’effacer, la polémique autour de Mangeterre a entraîné une explosion des ventes du roman.
Cinq ans après sa première publication, il fait partie des livres les plus vendus en Argentine, et peut-être bientôt en France C’est exactement pour cela que la censure est stupide par essence puisque, comme le disait Voltaire, « c’est le propre de la censure violente d’accréditer les opinions qu’elle attaque. »