Présenté à la Quinzaine des cinéastes à Cannes en mai dernier, le premier long-métrage du réalisateur palestinien Mahdi Fleifel impressionne autant qu’il bouleverse.

France Télévisions – Rédaction Culture

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Les personnages Chatila, interprété par Mahmood Bakri et Reda, joué par Aram Sabbagh dans le film "To a Land Unknown" du réalisateur palestinien Mahdi Fleifel. (MAHDI FLEIFEL)

La salle du cinéma parisien Luminor Hôtel de Ville était trop petite pour accueillir tout le public qui attendait depuis près d’une heure. Ce samedi 9 juin c’est To a Land Unknown (Vers un pays inconnu), le film du réalisateur palestinien Mahdi Fleifel qui est projeté dans le cadre du Festival Ciné Palestine. Présenté à la Quinzaine des cinéastes à Cannes, il s’agit du premier long-métrage du cinéaste.

Mahdi Fleifel a grandi dans le camp de réfugiés d’Ain el-Helweh au Liban, puis dans la banlieue d’Elseneur au Danemark. Diplômé de la National Film and Television School de Beaconsfield à Londres, il obtient plusieurs prix pour son court-métrage Arafat & I, ainsi que pour son documentaire A World Not Ours, qui a obtenu le prix de la paix au Festival de films de Berlin.

To a Land Unknown raconte l’exil de Chatila, interprété par Mahmood Bakri, fils d’une célèbre famille d’acteurs palestiniens et de Reda, joué par Aram Sabbagh, premier skateboarder de Palestine. Les deux cousins palestiniens sont réfugiés à Athènes et rêvent d’une nouvelle vie en Allemagne. Sans papiers et sans argent, impossible de passer les frontières. Ils multiplient les combines pour acquérir de faux passeports et s’envoler vers la capitale allemande où ils souhaitent ouvrir un café.

En attendant le précieux sésame, ils doivent vivre dans un squat avec d’autres réfugiés. Entre vols à la sauvette et prostitution, les deux cousins parviennent difficilement à mettre de l’argent de côté, surtout que Reda, addict aux drogues, le dépense pour ses consommations. La rencontre inattendue d’un jeune garçon de 13 ans originaire de Gaza, désirant rejoindre une tante vivant en Italie, devient un nouvel espoir pour eux deux.

Mahdi Fleifel montre avec brio la honte qui pèse sur ces réfugiés qui n’ont comme porte de sortie que l’illégalité pour survivre. « On finit par s’attacher à ces hommes et dépasser leurs mauvaises actions, pour les considérer comme êtres humains », raconte en anglais le cinéaste présent au festival pour une rencontre avec le public.

Mahdi Fleifel a réalisé beaucoup de documentaires avant de se lancer dans cette première fiction. Il s’est inspiré des histoires de réfugiés qu’il a entendues lors de ses années de réalisation mais aussi des poèmes du célèbre poète palestinien Mahmoud Darwich. Abou Love, l’un des personnages du film prononce même quelques vers « Tu n’as pas de frères, mon frère, pas d’amis, mon ami, pas de citadelles, pas d’eau, pas de médicaments […] Dans cet espace ouvert aux ennemis et à l’oubli, fais de chaque barricade un pays ! ».

Les déclics de cette fiction ont été pour Mahdi Fleifel les ouvrages Sa Majesté des mouches de William Golding et les personnages de George et Lennie dans Des souris et des hommes de Steinbeck. Chatila est le seul soutien de Reda qui fait régulièrement des bêtises, comme George et Lennie dans le roman de Steinbeck. « Ils n’ont qu’eux deux. Reda, c’est son cousin, son frère et même la maison pour Chatila [qui a laissé sa femme et son fils dans un camp de réfugiés au Liban] », raconte Mahdi Fleifel.

Coincés dans le désert urbain d’Athènes, on ne saura jamais si les deux cousins réussissent à s’enfuir. Une volonté pour le réalisateur : « ces personnes disparaissent dans la vraie vie. On ne sait pas ce qu’ils deviennent. J’ai vu plus de réfugiés échouer pour partir, que réussir« . Il explique avoir voulu retranscrire la manière dont s’exprime l’exil. « La honte est un grand aspect de leur vie. La honte de faire ce qu’ils ont à faire pour survivre. Ils vivent avec ce sentiment en permanence et à un moment ça explose », explique Mahdi Fleifel.

Les lieux de tournage dans la ville d’Athènes retranscrivent la perte d’identité des personnages. Des ruelles taguées, insalubres qui se mêlent aux appartements en sous-sol. Des labyrinthes qui rappellent ceux des camps de réfugiés. « J’ai pu constater que les réfugiés en exil tentaient de recréer la même atmosphère que celle des camps qu’ils avaient quittés », précise le cinéaste.

La dixième édition du Festival Ciné Palestine 2024 en Ile-de-France et à Paris se déroule jusqu’au 16 juin.

Genre : Fiction
Réalisateur : Mahdi Fleifel
Acteurs : Mahmood Bakri, Aram Sabbagh, Mohammad Alsurafa, Angeliki Papoulia
Pays : Royaume-Uni, Grèce, Pays-Bas, France, Allemagne
Durée :
105 min
Sortie :
Prochainement
Distributeur :
Eurozoom
Synopsis : Chatila et Reda sont deux cousins palestiniens réfugiés à Athènes. Ensemble, ils multiplient les combines pour rassembler une importante somme qui leur permettra d’acquérir de faux passeports, sésame vers l’Allemagne où ils rêvent de pouvoir enfin construire leur vie. Mais cette quête les pousse à franchir leurs limites, laissant derrière eux une part d’eux-mêmes dans l’espoir d’un avenir meilleur.

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