L’école Esmod Paris présente « L’Art du drag. Trois regards mode ». L’exposition met en lumière cet univers festif au travers la vision de trois anciens élèves.

L’école Esmod Paris présente L’Art du drag. Trois regards mode, jusqu’au 27 février : l’exposition met en lumière trois personnalités de l’univers festif du drag qui célèbrent la diversité, l’audace et l’expression de soi à travers la mode.

L’École supérieure des arts et métiers de la mode fait converser Miss Boo, Kitty Space et drapeau blanc. Ces trois anciens élèves – couturier, styliste ou drag – définissent l’expression artistique du drag au-delà de la performance et incarnent un dialogue sur le genre, l’identité et la société tout en apportant de la couleur à la vie. À découvrir une silhouette emblématique pour chacun – toutes trois vues lors des différentes saisons du concours « Drag Race » – mais aussi des accessoires et des photographies.

« C’est une exposition qui souhaite soutenir ou révéler l’art du drag, pas uniquement en tant que phénomène, mais bien en tant que savoir-faire multiple (du couturier, du perruquier, du brodeur, du maquilleur…) à travers trois personnalités qui se complètent. Bien que différentes, elles ont en commun cette volonté de travailler autour d’une passion, chronophage et coûteuse. Elles partagent cette volonté de croire en leur rêve et chacune à leur manière a réussi, peut-être pas à en vivre au sens pécuniaire, mais à se faire connaître », explique Sylvie Marot, directrice du pôle art culture héritage Esmod, le 6 février, dans le hall de l’école où se tient l’exposition.

Rencontre avec Miss Boo, la couturière des drag queens, qui a déjà créé plus d’une quinzaine de tenues pour le concours Drag Race France. Elle nous dévoile son parcours et explique comment l’univers du drag enrichit sa vie de manière positive.

Franceinfo culture : Pourquoi ce surnom de Miss Boo ?

Miss Boo : Boo, ce sont les trois premières lettres de mon nom de famille qui est un peu compliqué à lire et à écrire. Depuis que je suis petite, on m’a toujours appelée Boo-Boo et donc, sur les réseaux, j’ai opté pour Miss Boo.

De quand date votre passion pour la mode ?

Depuis toute petite, j’étais attirée par le vêtement. Ma première passion, c’est la Barbie super lookée avec toutes ses garde-robes pour ses différents métiers. Mais c’est en voyant l’actrice Marilyn Monroe, que je me suis dit : elle est trop belle, je veux être ainsi ! J’ai toujours éprouvé un attrait pour les esthétiques ultra-sophistiquées, cette féminité exacerbée avec ce pouvoir d’être la plus belle et la plus forte grâce aux vêtements.

Au fil de mon éducation stylistique viendront aussi le Hollywood des années 1940/1950, les pin-up, auxquelles s’ajouteront l’univers des « cocottes » et des corsets du début du XXe siècle, découverts lors de ma scolarité à Esmod.

Après un Bac pro métiers de la mode à Cholet, vous intégrez Esmod avec une spécialisation en prêt-à-porter masculin. Pourquoi ce choix ?

Je buvais les paroles d’une de mes professeurs qui m’a vraiment appris un métier, car elle avait la passion dans le regard et dans le geste. Elle m’a conseillé d’aller en spécialisation homme plutôt qu’en haute couture. Elle donnait aussi les cours en classe de perfectionnement, je l’ai suivie : cela m’a appris toute la base du corps qui me sert encore aujourd’hui.

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Exposition « L’Art du drag. Trois regards mode », à Esmod, Paris. . (ESMOD)

Comment s’est faite la rencontre avec l’univers des drag queens et le cabaret burlesque ?

Ma rencontre avec l’univers des drag queens remonte à mon arrivée à Paris. Pendant mes études, j’ai été assez sage et assez studieuse. Une fois mon diplôme en poche, en 2016, en sortant d’Esmod, j’ai rencontré la créatrice turque Yazbukye qui faisait des accessoires en plexiglas : j’ai été son assistante. C’est à cette époque que j’ai commencé à beaucoup sortir le soir et pour mes nuits parisiennes, j’ai commencé à me costumer et à m’habiller.

J’ai rencontré les Queens parisiennes, dans les cabarets et les boîtes de nuit : La Madame Klaude, l’Alcazar, Madame Arthur. Les artistes de la nuit me demandaient où j’avais shoppé ce que je portais. Dès que j’expliquais que je l’avais fabriqué, ils voulaient, eux aussi, mes vêtements. Tout de suite après, je me suis mise à mon compte et j’ai réalisé leurs commandes.

Le concours Drag Race vous a mise en avant avec votre tenue XXL, de 4 mètres de long, portée par Cookie ?

Mes tenues pour Kam Hugh m’ont beaucoup mise en avant ainsi que les looks de Paloma, lors de la saison 1. De même, ensuite, que Nicky Doll et Cookie, à la saison 2, et Misty Phoenix, Lula et Ruby, pour la saison 3. Les Queens qui me mettent le plus en avant sont Kam Hugh et La Grande Dame.

Vos créations audacieuses et flamboyantes redéfinissent-elles les codes de la mode drag ?

Ce que j’aime apporter dans mes créations, c’est ce qui m’attire : la féminité exacerbée et la taille très marquée, très ajustée avec le corset. Mes inspirations, c’est un mélange entre la corseterie des années 1900, les grandes divas hollywoodiennes, le vintage et le burlesque.

L’Art du drag. Trois regards mode est votre première exposition ?

Oui et je suis un peu stressée, mais c’est trop cool de revoir la robe qui est présentée ici. Je suis trop contente que cela soit dans l’école où j’ai tout appris.

Avez-vous déjà défilé ?

En juillet 2023, j’ai réalisé mon premier défilé avec 16 looks. Je m’étais autofinancée. J’aimerais en refaire un mais financièrement, je n’ai pas d’investisseur et un défilé coûte très cher. Je m’étais dit que cela allait m’ouvrir des portes, mais c’est assez difficile : je pense que je suis moins prise au sérieux, car ce sont des tenues pour les drags. C’est une bonne expérience puisque j’ai eu, gratuitement, un bureau de presse pendant un an suite à ce défilé, mais cela reste très compliqué d’être à son compte.

Créatrice de mode ou couturière ?

Ce que j’aimerais, c’est avoir un atelier comme à l’ancienne dans la haute couture. Je réponds à une clientèle à la demande, à chaque fois pour du sur-mesure, en collaboration avec un artiste : je fais tout de A à Z.

Vous travaillez en ce moment à l’atelier Chanel ?

Je suis chez Chanel haute couture en renfort, j’adore. C’est un autre esprit, cette maison très riche de ce savoir-faire qui me passionne, cette couture authentique depuis des décennies où l’on fait tout à l’ancienne à la main. Cela me conforte dans ce que j’aime faire !

Exposition L’Art du drag. Trois regards mode jusqu’au 27 février 2025. Esmod, 12 rue de la Rochefoucauld, 75009 Paris. Du lundi au vendredi, de 12h à 19h (nocturne le jeudi 21h).

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