Le Muséum national d’Histoire naturelle invite à la découverte de la biodiversité des forêts tropicales humides. Réparties sur quatre continents – Asie, Océanie, Amérique du Sud, Afrique –, elles abritent plus de la moitié des espèces animales et végétales connues dans le monde. Jungle en voie d’illumination donne un aperçu de cette richesse à travers un parcours mettant en scène des espèces caractéristiques, spectaculaires ou insolites – félins redoutables, grenouilles étonnantes, fleurs géantes – sous forme de lanternes lumineuses.

Une promenade nocturne, pour petits et grands, pleine de belles et insolites surprises. Cyril Roguet, directeur du Jardin des Plantes et chef de projet de l’exposition, et Géraldine Véron, commissaire scientifique de l’exposition spécialiste de la faune sauvage et des félins en particulier, ont été nos passionnants guides.

Franceinfo culture : après avoir mis à l’honneur les espèces en voie d’extinction (2018), les océans (2019), l’évolution de la vie (2021) et la faune minuscule (2022), vous proposez une promenade dans les forêts tropicales humides.

Cyril Roguet : Pour la cinquième édition, nous avons choisi une thématique en résonance avec l’exposition Félins (jusqu’au 7 janvier 2024 au Muséum) et la saison Prédateurs au Parc zoologique de Paris. Jungle en voie d’illumination est conçu comme une exposition traditionnelle pour laquelle les scientifiques ont sélectionné les espèces à retenir et écrit les cartels qui les accompagnent pour interpeller le visiteur sur la spécificité de la biodiversité. On a compilé des données, photographiques et documentaires sur chacune des espèces, qui ont été transmises aux designers chinois de China Light Festival. S’ensuit un jeu de ping-pong entre notre partenaire et les scientifiques pour la validation de chacun des éléments avant de lancer la réalisation des lanternes lumineuses. Ce sont des créations uniques, c’est presque de la haute couture conçue spécialement pour nous, dans le Sichuan par ces artisans locaux dont c’est le cœur de métier. Ils utilisent le savoir-faire des lanternes traditionnelles pour concevoir des parcours lumineux. Puis tout est transporté jusqu’à Paris pour être monté, ici, dans le Jardin des Plantes.

Cinquième édition du parcours "En voie d’illumination" organisé par le Muséum national d’Histoire naturelle de Paris au Jardin des Plantes, le 17 novembre 2023. (DIMITAR DILKOFF / AFP)

Pourquoi mettre l’accent sur la biodiversité de ces forêts ?
Géraldine Véron : Car ce sont les milieux naturels qui ont le plus fort taux de biodiversité de plantes et d’animaux et parfois aussi d’endémisme dans certaines zones. 

Quelles forêts traversons-nous lors de cette promenade nocturne ?
Géraldine Véron : Le parcours commence en Inde, dont la jungle a été rendue célèbre par Rudyard Kipling en 1894 avec le Livre de la Jungle. Après, on a déroulé le parcours par région géographique pour montrer les grands ensembles de forêts tropicales qui existent sur plusieurs continents : après l’Inde, on poursuit en Asie du Sud-Est, notamment à Bornéo que l’on illustre avec sa mangrove. On passe, ensuite, en Nouvelle-Guinée, cette île à l’endémisme très fort avec une très grande diversité, puis direction l’Amazonie avec la forêt, galerie assez caractéristique des forêts tropicales humides et denses. Puis on passe sur le continent africain avec Madagascar et l’Afrique tropicale. Tout au long de ce parcours nocturne, il y a des ambiances différentes et surtout ce ressenti de cheminement dans la jungle avec des parties sonores et des projections pour mieux visualiser.

Quelle forêt affectionnez-vous le plus ?
Géraldine Véron : J’éprouve une affection pour l’Asie du Sud-Est où vit, par exemple, le nasique, un animal que j’aime tout particulièrement. C’est un primate assez étrange, endémique, très bizarre, avec ce grand nez. On pense que ce dernier joue un rôle dans le cri des mâles qu’il amplifierait en leur donnant une certaine résonance pour qu’ils soient plus sonores afin d’attirer les femelles. Le nasique est assez grand, assez placide et vit en groupe.

Quelles sont les autres rencontres animales insolites du parcours ?
Géraldine Véron : On a représenté, par exemple, un félin un peu moins connu : le chat pêcheur. Il est assez incroyable car les gens pensent que les chats n’aiment pas l’eau alors qu’il est vraiment capable de plonger pour capturer ses proies, souvent des poissons mais aussi des petits animaux aquatiques ainsi que des proies terrestres. Ce chat a les caractéristiques un peu typiques des animaux aquatiques avec une tête un peu plus allongée, des pattes légèrement palmées, de bonnes griffes et des dents pointues acérées utiles pour manger les poissons. Il n’a pas une très longue queue puisque dans les milieux marécageux et aquatiques ce n’est pas forcément le mieux. Ce n’est pas un très gros félin, il fait 60 à 80 centimètres sans la queue et vit en Asie du Sud-Est.

Cinquième édition du parcours "En voie d’illumination" organisé par le Muséum national d’Histoire naturelle de Paris au Jardin des Plantes, le 17 novembre 2023. (DIMITAR DILKOFF / AFP)

En Amazonie, il y a aussi une espèce très curieuse, une grenouille de verre pratiquement transparente. À travers l’animal, on peut voir ses organes : cela lui permet d’être très discrète par rapport aux prédateurs et pour être encore plus transparente, ses globules rouges retournent dans son foie pour ne pas être visible dans la végétation. 

Le parcours se termine aussi sur un symbole des espèces en voie de disparition. Ces forêts tropicales, malgré leur diversité et leur rôle important comme poumon de la planète, sont aussi très fragiles. Aussi bien les plantes que les animaux sont menacés comme cette famille de gorilles des plaines de l’Ouest. C’est une espèce en danger critique d’extinction, c’est un symbole fort de cette fragilité et un message important pour terminer ce voyage dans les forêts tropicales.

Cinquième édition du parcours "En voie d’illumination" organisé par le Muséum national d’Histoire naturelle de Paris au Jardin des Plantes, le 17 novembre 2023. (DIMITAR DILKOFF / AFP)

Quelles sont les espèces végétales qu’il ne faut pas rater ?
Géraldine Véron : Dans les spectaculaires, il y a l’Arum titan. Une plante absolument incroyable, gigantesque, qui fleurit tous les dix ans. Cette année, dans la serre (du Jardin des Plantes) on a eu la chance d’avoir une floraison. Cette dernière, très courte et très rare, dure 72 heures. Dans le parcours, l’Arum est représenté à différents stades de son développement. Il mesure 3,5 mètres.

Ici, il y a aussi des plantes moins spectaculaires mais qui font vraiment partie du décor de ces forêts tropicales. Ainsi les palétuviers sont des arbres incroyables aux racines géantes qui sortent de l’eau : elles vivent à la fois dans la terre, dans l’air et dans l’eau. Ces arbres sont caractéristiques de la mangrove. Ils sont très importants dans ses forêts tropicales et dans ses bords d’eau saumâtre car ils jouent un rôle de tampon entre le milieu terrestre et la mer. C’est un rôle crucial dans ces temps climatiques de montée des eaux parce qu’ils vont limiter l’érosion et les risques de dégradation des milieux plus intérieurs quand il y a des tsunamis, par exemple. Chacun joue son rôle dans ses forêts.

On voit aussi des fleurs spectaculaires comme cette orchidée à la forme étrange de papillon avec une mante posée dessus, un insecte qui a, aussi, une forme de fleur. Ce sont des choses magnifiques très spectaculaires et enrichissantes en même temps !

Cinquième édition du parcours "En voie d’illumination" organisé par le Muséum national d’Histoire naturelle de Paris au Jardin des Plantes, le 17 novembre 2023. (DIMITAR DILKOFF / AFP)

Comment s’est fait le choix de la faune et de la flore représentées ici ?
Géraldine Véron : On a procédé par étapes. Dans un premier temps, avec les équipes scientifiques on a réfléchi au thème. On est restés sur une grande partie de mammifères et de vertébrés. On a voulu mettre l’accent sur un certain nombre d’interactions entre des espèces animales et un végétal pour montrer comment fonctionnent ces écosystèmes, très riches. On a voulu montrer que c’est un milieu qui n’est pas si uniforme qu’il paraît – un espace très vert avec des grands arbres et plein d’espèces – car il y a des choses très différentes et une diversité au sein de ces milieux.

On montre des emblématiques auxquels on ne pouvait pas échapper et d’autres que l’on a voulu mettre en lumière parce qu’ils sont moins connus et intéressants comme, par exemple, le chat pêcheur, le tatou et l’okapi.

Cinquième édition du parcours "En voie d’illumination" organisé par le Muséum national d’Histoire naturelle de Paris au Jardin des Plantes, le 17 novembre 2023. (DIMITAR DILKOFF / AFP)

Comment les scientifiques ont travaillé avec la société China Light Festival ?
Géraldine Véron : Une fois faite la sélection des espèces, il faut trouver des images qui leur correspondent à envoyer à China Light Festival. Ces artisans réalisent chaque scène mais font un choix artistique dans les espèces que l’on propose. Pour ces mises en scène, on échange avec eux pour voir la pertinence : on vérifie scientifiquement si le positionnement, la forme, les couleurs, les interactions, la zone géographique correspondent bien. Une fois que l’on est tous d’accord, ils fabriquent. Les lanternes arrivent en kit et sont montées ici.

Le procédé de fabrication de l'événement "Jungle en voie d'illumination" au Jardin des Plantes de Paris. -
« Jungle en voie d’illumination » au Jardin des Plantes de Paris. Le procédé de fabrication de l’événement « Jungle en voie d’illumination » au Jardin des Plantes de Paris. – (JARDIN DES PLANTES DE PARIS)

Combien de lanternes sont installées ? Certaines sont animées ?
Cyril Roguet : Il y a plus d’une centaine de structures, c’est énorme, dont une vingtaine animées. On a ajouté des dispositifs sonores – reproduction des sons des forêts tropicales – ainsi que des projections au sol et une petite surprise du côté des serres !
Géraldine Véron : Le paon est spectaculaire avec sa queue animée aux couleurs changeantes, tout comme le caméléon qui change de couleurs. Cet animal a la particularité de capturer ses proies en déroulant sa langue, en la jetant sur sa proie, il y a cette animation qui montre son action de prédation.

Quand a débuté ce projet ?
Cyril Roguet :
Le projet a débuté en février 2023. Jusqu’en juin, il y a eu une période de conception du parcours muséographique puis la société chinoise a lancé la fabrication mi-juillet jusqu’en septembre. Les structures ont été livrées à partir de la mi-octobre et il a fallu quatre semaines pour monter l’ensemble. Pendant les huit semaines de présentation de l’exposition, une partie de l’équipe de China Light Festival est sur place pour effectuer retouches de peinture et petites réparations. C’est normal, nous sommes en plein air.

Que vont devenir ces structures ?
Cyril Roguet : Notre démarche est éco-responsable puisque les structures en métal sont récupérées par notre partenaire chinois et serviront à construire d’autres structures ! Tout le réseau électrique de ces créations est éclairé avec des ampoules LED à faible consommation. Par ailleurs, on a restreint les jours d’exploitation, cette année, il n’y a que 48 jours sur une période horaire plus courte de 4 heures.

« Jungle en voie d’illuminations » au Jardin des Plantes de Paris à partir du 22 novembre jusqu’au 21 janvier 2024. Place Valhubert. 75005 Paris. Du mercredi au dimanche de 18h à 22h. Pendant les vacances scolaires, de 18h à 22h (y compris le 25 et 31 décembre et le 1er janvier). Fermeture le 24 décembre. Prix : de 15 à 18 euros.

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