Les technologies numériques sont de plus en plus présentes dans les organisations, privées ou publiques. Et sont souvent synonymes dans les esprits de modernité. Mais comment s’envisage la mesure de leur contribution à l’amélioration effective de la performance ?

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Le numérique est un outil utilisé, par exemple, par le Ministère des finances pour trouver de nouvelles recettes. (VINCENT ISORE / MAXPPP)

Informatisation, numérisation… L’investissement dans des solutions technologiques dans les organisations mobilise souvent des moyens financiers et humains importants. Des montants et des engagements qui conduisent à s’interroger a posteriori sur les gains effectivement obtenus par la mise en place de ces outils numériques.

En ce qui concerne le secteur public en particulier, un rapport de la Première chambre de la Cour des comptes publié fin janvier 2025 constate que « l’amélioration de la productivité n’est que rarement un objectif à l’origine des grands projets numériques de l’Etat ». Et les magistrats de citer d’autres motivations plus souvent mises en avant : « la volonté politique d’accompagner l’évolution des attentes des citoyens ou […] l’obsolescence technologique des systèmes existants ».

La Cour des comptes pointe le fait que « quel que soit l’objectif initialement poursuivi, l’équation économique des projets n’est pas toujours posée ». Ce qui induit la question de l’estimation préalable des bénéfices espérés et de la possibilité de proportionner les investissements à ces gains futurs.

La Cour des comptes signale que trop souvent « la notion de retour sur investissement n’est plus questionnée » une fois un projet lancé. Évidemment, en termes budgétaires, cette absence de cadrage chiffré est de nature à favoriser les possibles dérives de coûts. Mais cela ne concerne pas uniquement le suivi de la dimension financière.

Il s’agit aussi de permettre d’apprécier si l’objectif initial a été atteint. Car une solution technologique peut être techniquement opérationnelle mais ne pas susciter les gains attendus. Les magistrats prennent l’exemple du programme « Foncier innovant » de la Direction générale des finances publiques (DGFiP) qui utilise l’intelligence artificielle afin de repérer les piscines non déclarées par les contribuables. Son déploiement à partir de 2021 devait générer 130 millions d’euros de recettes supplémentaires chaque année à compter de 2024.

Aujourd’hui, c’est plutôt de l’ordre de 60 millions d’euros, soit moins de la moitié. D’autant plus que le dispositif était très utile lors de la première année pour rattraper les propriétaires oublieux de leur déclaration. Les futures nouvelles installations de bassins non déclarés étant mécaniquement en nombre limité maintenant que les retardataires ont été localisés.

Un projet technologique doit avoir une fin. Surtout dans un contexte où les budgets sont contraints et les personnels pour les concevoir ou les mettre en œuvre manquent. Il ne faut pas s’acharner à financer et maintenir des programmes technologiques qui ne peuvent démontrer sur la durée des résultats tangibles. Qu’ils se traduisent en termes financiers ou de services effectivement rendus.

Les magistrats de la Cour des comptes ont centré leur rapport de janvier 2025 sur la Direction des finances publiques (DGFiP) de Bercy mais la réflexion vaut certainement pour toutes les administrations. Et sûrement aussi pour les entités du secteur privé.

La stricte mesure de l’économie réalisée grâce à la technologie constitue un critère simple, facilement mesurable. Or, le gain obtenu ne peut pas toujours se résumer en termes monétaires. D’autres bénéfices peuvent aussi très appréciables.

En effet, la technologie peut servir à rendre bien des services :

  • améliorer les délais de réponse et donc la situation des utilisateurs,
  • détecter précocement des dysfonctionnements pour en permettre la correction avant que la situation ne s’aggrave,
  • optimiser la consommation de ressources nécessaires à l’accomplissement d’une tâche,
  • enlever de la pénibilité au travail d’êtres humains.

Si le respect des prévisions budgétaires est évidemment primordial, on ne peut donc se contenter d’une approche strictement comptable. Il faut de plus en plus se doter d’outils de mesure de la performance qui considèrent l’impact global. Car des économies immédiates mal positionnées peuvent se révéler très nocives sur la durée.

Cela plaide pour une vision stratégique de l’innovation, qui intègre les différentes dimensions : technologiques, financières et opérationnelles liées aux métiers concernés. Il convient aussi de savoir faire progresser, par la formation continue, les expertises des professionnels afin qu’ils conservent leur valeur ajoutée dans un environnement de travail appelé à se numériser de plus en plus.

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