Tous les jours, une personnalité s’invite dans le monde d’Élodie Suigo. Jeudi 28 novembre 2024 : le peintre, sculpteur et bronzier corse, Gabriel Diana. Il expose des œuvres monumentales dans la ville de Roanne et d’autres à la Maison des métiers d’art de la ville.
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Gabriel Diana est peintre, sculpteur, et bronzier corse. Il a d’abord épousé une carrière d’ingénieur avant que son amour et sa passion pour l’art et la création ne prennent le dessus. De l’esthétisme grec classique et de l’esthétisme étrusque en clin d’œil à la Toscane qui l’a vu naître, avec comme fil rouge le sublime. Le démiurge qu’il est a donc trouvé ses personnages, des figures minimalistes en bronze, réduites à l’essentiel. Son moteur reste la sensibilité, qu’on découvre au travers des 4 000 m² du Dian’Arte Museum à Borgo, en Corse. C’est à Roanne que ses œuvres arborent les rues de la ville et dans une exposition à la Maison des métiers d’art de la ville.
franceinfo : À 82 ans, on comprend que l’émerveillement est toujours là. Quel est le moteur de création aujourd’hui ?
Gabriel Diana : Je pense qu’un artiste, c’est un aveugle qu’un gamin tient par la main. Donc l’émerveillement doit être de tous les jours. Et puis il y a une recherche, un travail sur moi, constant.
« Je continue à découvrir, je continue à apprendre avec l’humilité nécessaire pour celui qui veut grandir. »
Gabriel Dianaà franceinfo
Au départ, il y a ce petit garçon, maman française, papa italien. Il y a un moment où ça ne passe pas avec la famille. Que gardez-vous de cette enfance ?
Moi, je voulais faire le métier d’artiste. J’ai commencé à dessiner, gribouiller tout petit, à six ans, sept ans. Et il y avait deux choses absolument interdites à la maison : c’était de parler le corse – on doit parler français, on doit apprendre le français – et surtout de faire le métier d’artiste parce que c’étaient des dépravés, des débauchés, des morts de faim. Et je finis ma vie en parlant corse et en faisant le métier d’artiste. Comme quoi, tout évolue dans la vie.
En 1950, vous allez suivre des cours académiques, mais j’ai l’impression qu’il y a déjà cet amour de l’art, cette attirance pour l’art qui rentre dans votre vie.
Alors l’attirance pour l’art est née quand je suis né, c’est incontestable. Inéluctablement, j’ai toujours dessiné. À l’âge de huit ans, ma mère m’inscrit à une académie de peinture de Bastia et là, j’ai appris à garder les pinceaux en main. Ça a duré une année ou deux. L’art m’a toujours suivi, m’a toujours poursuivi et je ne pourrais pas vivre sans. J’ai fait des études d’ingénieur par la suite, j’avais deux grosses sociétés, avec l’une je faisais 18 000 planches à voile par an, avec l’autre, j’étais à l’avant-garde technologiquement parce qu’effectivement la créativité ne m’a jamais abandonné. Quand vous voyez une boule en plastique d’illumination publique, la première au monde, c’est moi qui l’ai mise au point pour la General Electric américaine, le premier réservoir en plastique, c’est moi qui l’ai travaillé pour la Porsche.
« J’étais toujours à l’avant-garde. »
Gabriel Dianaà franceinfo
La créativité m’a toujours habité. Et quand mes amis industriels importants de Lombardie m’invitaient, « Viens, on va passer notre week-end sur mon yacht de 38 mètres à Gênes, puis le soir on ira manger dans un fameux restaurant trois étoiles« . Moi, si je pouvais esquiver, trouver une excuse et me retrouver dans les sous-escaliers avec mes amis artistes, faire des lithographies, des sérigraphies, les mains en plein dedans, j’étais heureux. À chacun ses vices !
Vous étiez ingénieur en Lombardie, ça marchait très fort pour vous, et vous avez perdu votre fils. Ça a été un moment évidemment douloureux, à tel point que vous avez décidé effectivement de tout laisser tomber et de mettre ça au service de l’art. Ça signifie que c’est souvent dans la douleur qu’on crée ?
Oui, ça a été une période de ma vie dramatique parce qu’on avait qu’un fils. Et puis un accident idiot sur l’autoroute, il y a laissé sa peau. Ça a été vraiment terrible. Je ne pouvais plus me voir à Milan, j’ai vendu mes sociétés, j’ai hésité entre Londres et Paris. Et puis je me suis dit comme l’âge avance, on va retourner en Corse, c’est plus tranquille. On vivra en faisant des croisières, en allant voir les amis à droite et à gauche. Et puis moi, je suis incapable de faire ça, alors j’ai commencé.
« J’allais finir par me tirer une balle dans la tête et je me suis dit que j‘allais faire ce métier d’artiste qu’on m’a toujours interdit de faire et que j’ai toujours cultivé dans l’ombre, dans mes rares moments de disponibilité. »
Gabriel Dianaà franceinfo
Votre exposition à Roanne est accessible à toutes et à tous et est totalement gratuite. C’est au moins jusqu’au mois de mars 2025 voire ad vitam aeternam.
C’est une exposition qui dure en théorie jusqu’en mars, mais depuis le jour du vernissage, l’exposition est propriété de la commune de Roanne. J’en fais cadeau.
On sent que cet émerveillement, cette curiosité, cette envie de continuer est comme au premier jour. Est-ce que les œuvres que vous avez faites, vous permettent finalement un petit peu de garder votre fils en vie ?
Ce qui nous est arrivé, on n’en fait jamais le deuil, c’est incontestable. Pour moi, ça a été un déclencheur parce que, sans cela, je n’aurais jamais fait ce métier d’artiste, c’est évident. En tout cas, ça ne fait pas vieillir parce que si je prends mes 82 ans, si j’ajoute les 15 que j’ai dans la tête et qu’on fait la moyenne, je ne suis pas encore mûr !