L’agence antidopage américaine (Usada) n’a pas versé les 3,6 millions de dollars (3,52 millions de dollars) qu’elle devait en 2024 à l’Agence mondiale antidopage (AMA).

France Télévisions – Rédaction Sport

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Le logo de l'Agence mondiale antidopage (AMA), dans les bureaux du siège à Montreal (Canada). (MARC BRAIBANT / AFP)

« Il ne faut pas que ça soit une guerre froide, mais un combat sur des objectifs d’intégrité et d’éthique dans le sport ». Marie-George Buffet, l’ancienne ministre des Sports et à l’origine de la loi contre le dopage en 1999, ne mâche pas ses mots et veut surtout recentrer le débat au moment de réagir à la suspension du versement annuel des Etats-Unis à l’Agence mondiale antidopage (AMA). En annonçant retenir sa contribution financière, mercredi 9 janvier, l’Usada et le gouvernement américain ont relancé leur bataille avec l’instance basée à Montréal, au risque d’exaspérer le monde sportif. Jusqu’à déstabiliser l’ensemble du système mondial de lutte contre le dopage ?

Sur le papier, cette annonce peut ressembler à un tremblement de terre. Les Etats-Unis demeurent en effet, de très loin, le premier pays contributeur du budget du gendarme mondial de l’antidopage. En 2024, ce pays devait verser plus de 3,6 millions de dollars (3,52 millions d’euros) alors que l’enveloppe globale de l’AMA s’élève à 52,4 millions de dollars (51,17 millions d’euros). Derrière cette suspension motivée en partie par le scandale des 23 nageurs chinois contrôlés positifs en 2021 à une substance interdite mais non sanctionnés, l’affaire semble beaucoup moins claire.

« Il y a les aspects financiers, mais ça va bien au-delà. On est en train d’assister à l’un des aspects de l’instrumentalisation politique et géopolitique du sport par un certain nombre d’états. Car aujourd’hui, on utilise la lutte antidopage pour régler des comptes entre grandes puissances. »

Marie-George Buffet, ancienne ministre des Sports

à franceinfo: sport

Au-delà des enjeux géopolitiques, la situation pour l’AMA n’est pas particulièrement alarmante, du moins, à court et moyen terme. « Je pense que de manière très concrète, sur le plan purement opérationnel, cela n’aura pas de conséquences immédiates, assure auprès de franceinfo: sport Jérémy Robin, secrétaire général de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD). Car déjà, les Etats-Unis ont déclaré ne pas se retirer de l’AMA, et qu’ils continueraient à appliquer les règles du code mondial antidopage. Comme le budget n’est pas reversé aux agences nationales, cela n’a donc pas d’incidences directes sur le programme mondial antidopage. C’est un sujet surtout institutionnel, et bien évidemment important, entre l’AMA et les Etats-Unis. Mais pas plus pour le moment. »

En réponse à cette absence de versement, l’AMA a tout de même dégainé un communiqué salé transmis à certains médias, assurant que tant que les Etats-Unis n’auront pas honoré leur engagement financier, l’état américain ne pourra plus siéger au sein du comité exécutif de l’Agence. Une menace en réponse à une autre menace. Tel est le positionnement des deux parties prenantes. Néanmoins, Jérémy Robin veut rester optimiste quant à l’issue de cette « crise », qui n’est pas la première, ni la dernière.

« Cela va réduire le budget de l’AMA, c’est évident, avertit-il. Mais en aucun cas ça ne touchera les missions vitales de l’agence. L’incidence financière pour l’AMA se fera un peu plus au long cours si jamais les Etats-Unis décidaient définitivement de ne pas verser l’argent. L’AMA n’aurait, ainsi, pas le choix que de faire des arbitrages budgétaires ce qu’elle avait déjà fait depuis que la Russie avait décidé de ne plus contribuer [après le scandale de dopage d’état en Russie à la suite des Jeux de Sotchi en 2014]. »

Surtout, deux échéances sportives majeures se préparent de l’autre côté de l’Atlantique à savoir les Jeux olympiques de Los Angeles en 2028, et six ans plus tard, ceux d’hiver à Salt Lake City. « L’organisation des JO pour un Etat, et on l’a vu en France avec Paris 2024, est à la fois un coup de projecteur formidable sur le plan sportif mais aussi un accélérateur de solutions en matière d’antidopage », avance le patron de l’AFLD.

« Les Jeux de Los Angeles et de Salt Lake City vont forcément obliger les parties prenantes à régler ce type de problèmes. Il serait difficilement concevable que le pays hôte des prochains JO soit dans une position aussi délicate avec le régulateur mondial de la lutte antidopage. Car pendant des Jeux, c’est le CIO [en collaboration avec l’AMA] qui fixe les règles. »

Jérémy Robin, secrétaire général de l’AFLD

à franceinfo: sport

D’ici là, il faudra sans doute que tout le monde mette un peu d’eau dans son vin. « Au lieu de régler les comptes comme dans une cour de récréation, il faudrait revisiter, avec l’Unesco peut-être comme arbitre, le dispositif de l’AMA pour la rendre plus performante, et pour voir comment équilibrer davantage la contribution des états », avance notamment Marie-George Buffet.

Car depuis la déclaration de Copenhague de 2003, en partie fondatrice de l’Agence mondiale antidopage, les clés de répartition n’ont plus jamais changé, alors que le sport, et les pratiques dopantes n’ont cessé d’évoluer. Quand la France, l’Italie et l’Allemagne ont versé chacun un peu plus de 1,33 millions de dollars (1,29 million d’euros) en 2024, le Japon environ 1,5 millions (1,46 million d’euros), c’était la moitié, seulement, pour la Chine, avec une contribution à hauteur de 778 000 dollars (760 000 euros). 

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